Cette réécriture jubilatoire du Triomphe de l’amour de Marivaux rend visibles les caprices et les exigences du désir. Éblouissant !

C’est parce qu’il a aimé son roman Arcadie, qui fait vivre le parcours mouvementé d’une jeune fille au sein d’un phalanstère libertaire, que le metteur en scène Clément Poirée a demandé à l’autrice Emmanuelle Bayamack-Tam de réécrire la pièce de Marivaux. Si elle conserve la structure et la distribution de la pièce initiale, l’écrivaine en transforme la langue, se projette dans notre époque à travers un affrontement jubilatoire entre un ordre établi au cordeau et le ballet risqué des affects.

Lorsque deux jeunes filles déguisées en hommes, Sasha et Carlie, font irruption dans la communauté autarcique dirigée par le gourou Kinbote, son édifice protecteur et carcéral vacille. L’amour a beau être strictement interdit par le règlement intérieur, Sasha s’éprend du jeune Ayden. « Je vais fondre sur Kinbote et sa communauté d’abstinents, je vais leur apprendre l’amour, ils n’en reviendront pas ! À l’abordage et pas de quartiers ! » proclame-t-elle.

« Peut- on vivre à l’abri du monde comme il va ? L’amour est-il une arme de combat ? Doit-on échapper à nos sens ? » : le metteur en scène donne corps à ces interrogations avec maestria et finesse.

Entre élans du cœur, manipulations cruelles et dénis de réalité, la mise en scène déploie toute sa verve créatrice. Interprétée par d’excellents comédiens, la pièce orchestre de main de maître le triomphe de l’amour et aussi assurément du théâtre !