Y ves Chenevoy met en scène une bouleversante parole épurée et acérée, sans mièvrerie aucune.

« Je n'ai pas levé la main sur elle. » dit-elle. « C'est comme si… » Ancrée dans le quotidien domestique de mères sous pression, c'est une tragédie qui relève de l'anecdote et éclaire la condition des femmes. Un drame ordinaire. Et pourtant… Il aurait pu comme souvent être évité.

Récompensée par un prix du Gouverneur général pour La liste, dans la catégorie théâtre de langue française, la jeune auteure québécoise Jennifer Tremblay fait naître une écriture nette, concentrée et épurée, une parole féminine sans fioritures, sans mièvrerie ni tonalité mélodramatique, une litanie infiniment touchante qui réclame notre attention.

Seule sur le plateau, une femme sans nom, mère de trois jeunes enfants, remarquablement interprétée par Claudie Arif, nous fait part des sentiments qui la rongent. Sa voisine Caroline est morte sans qu'elle ne l'aide. Culpabilité, colère, tristesse, abattement et solitude l'assaillent tandis qu'elle dévide la liste de ses tâches à accomplir. Investie, organisée et ordonnée, elle affronte un abîme et un chaos dévastateurs que les mots s'efforcent de tenir à distance.

À travers la présence de la comédienne accordéoniste Léopoldine Hummel, le metteur en scène Yves Chenevoy crée une subtile musique des émotions qui fait écho à la voix de la disparue. La pièce travaille sur la puissance des mots et du rythme des phrases, sur l'enfermement qui isole et fragilise, sur l'illusion d'une vie sous contrôle.

Une oeuvre intimiste et universelle qui va droit au cœur.